Cession du contrôle d'une société et absence de solidarité des cédants
Publié le :
19/04/2024
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Par principe, la cession de contrôle d’une société commerciale, même conclue entre non-commerçants, est un acte de commerce qui implique la solidarité des cédants. Cela signifie que le créancier, généralement l’acheteur des titres, peut exiger du débiteur le plus solvable le paiement de l’intégralité de la dette au lieu de diviser les poursuites entre chaque codébiteur.
Néanmoins, la Cour de cassation a récemment rappelé la condition selon laquelle, pour pouvoir bénéficier de la solidarité commerciale, encore faut-il se trouver en présence d’une pluralité de débiteurs tenus à la même dette commerciale.
Par quatre actes distincts, les associés d’une société ont cédé les 6930 parts sociales qu’ils détenaient à une société tierce. Les 70 parts restantes ont été cédées par l’un des cédants au dirigeant de la société cessionnaire par un cinquième acte du même jour.
Chaque acte de cession prévoyait une garantie de passif dont les cessionnaires ont sollicité la mise en œuvre en assignant les cédants. Accueillant leurs prétentions, la cour d’appel a considéré que la solidarité entre les cédants était présumée et a condamné les quatre cédants à indemniser les cessionnaires pris ensemble, à charge pour ces derniers de se répartir l’indemnisation au prorata des parts sociales.
Saisie du pourvoi en cassation formé par les cédants, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel pour violation de l'article 1202 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, lequel énonce que la solidarité ne se présume pas et exige une stipulation expresse.
Ce principe connaît une exception concernant la solidarité commerciale en vertu de laquelle les débiteurs d’une même dette commerciale sont présumés solidaires. Aussi, la cour d’appel a considéré que le caractère commercial de la cession des parts sociales était indiscutable, en raison de la cession du contrôle de la société cédée aux deux cessionnaires, de sorte que la solidarité devait être présumée entre les cédants.
Or, c’est précisément sur ce dernier point que la Haute juridiction censure le raisonnement des juges du fond. En effet, si cette analyse est parfaitement valide s’agissant de la société cessionnaire, laquelle a obtenu le contrôle de la société en recevant la quasi-totalité des parts que chaque associé détenait, il n’en va pas de même concernant son dirigeant, qui n’a acquis ses parts qu’auprès d’un seul cédant.
Elle décide donc logiquement que la solidarité profitant à la société cessionnaire, créancière de tous les associés, ne peut bénéficier à son dirigeant qui n’est le créancier que d’un seul débiteur. Les cédants qui n’ont pas vendu leurs parts au dirigeant ne sont pas ses débiteurs.
Référence des arrêts : Cass. com, 24 janv. 2024, 20-13.755.