Preuve du temps de travail : l'employeur peut opposer tout élément au salarié

Publié le : 24/05/2024 24 mai mai 05 2024

À l’occasion d’un litige portant sur l’existence et le nombre d’heures supplémentaires réalisées par une salariée, la Cour de cassation a affirmé que les preuves admises en matière de durée du travail n’étaient pas plus circonscrites pour l’employeur que pour le salarié.


En l’espèce, la salariée a saisi la juridiction prud’homale de demandes en résiliation judiciaire et en paiement de sommes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail, avant d’être licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Devant le conseil des prud’hommes comme en appel, la salariée est déboutée de ses demandes en résiliation judiciaire et en paiement de sommes à titre d’heures supplémentaires et de contrepartie obligatoire en repos.

Ces décisions ont été prises au vu des éléments produits par chacune des parties. La salariée avait notamment invoqué un décompte hebdomadaire, des relevés journaliers ainsi que des témoignages. L’employeur avait versé aux débats les bulletins de salaire, des relevés d’heures ainsi que des témoignages contraires.

La salariée s’est pourvue en cassation, soutenant que l’employeur avait l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur. Elle arguait donc que le juge ne pouvait tenir compte des éléments produits par l’employeur si ces derniers ne provenaient pas d’un système remplissant les critères précités.

Saisie, la Cour de cassation énonce en premier lieu le régime de la preuve applicable lorsqu’un litige oppose un salarié à un employeur concernant l’existence ou le nombre d’heures de travail accomplies. Ainsi, le salarié est tenu de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis s’agissant des heures qu’il prétend avoir accomplies afin que l’employeur, lequel assure le contrôle des heures de travail effectuées, soit en mesure d’y répondre en produisant ses propres éléments.

Elle précise également que le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble des éléments versés par les parties au regard des dispositions légales et réglementaires applicables. Si, après analyse des pièces produites, il retient l’existence d’heures supplémentaires, le juge doit souverainement évaluer l’importance de ces heures en fixant les créances salariales s’y rapportant.

En second lieu, la Haute juridiction rappelle que la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne prévoit l’obligation pour les États membres d’imposer aux employeurs l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travail (CJUE 14 mai 2019, Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO), C-55/18, point 60).

Cependant, elle réfute le raisonnement de la demanderesse, car elle affirme que le défaut de mise en place d’un tel système par l’employeur n’est pas de nature à le priver du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, relatifs à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies.


Référence de l’arrêt : Cass. soc, 7 févr. 2024, n° 22-15.842.

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