La preuve obtenue de manière déloyale peut être recevable
Publié le :
15/03/2024
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En Assemblée plénière, la Cour de cassation a consacré le principe selon lequel les preuves produites à l’insu du salarié, ou obtenues par une manœuvre ou un stratagème de l’employeur devaient être déclarées irrecevables. Cette solution, fondée sur l’importance de la loyauté de l’obtention et de la production des preuves, pouvait conduire à priver une partie à un procès de faire la preuve de ses droits.
La Cour de cassation a donc opéré un revirement de jurisprudence remarqué, par lequel elle ne considère plus que les preuves obtenues ou produites de manière illicite ou déloyale, au sein d’un procès civil, doivent être déclarées irrecevables si le juge exerce un contrôle de proportionnalité entre l’atteinte causée par les preuves déloyales à d’autres droits et le but poursuivi.
Les litiges en présence concernaient des licenciements pour faute grave de deux salariés pour lesquels les employeurs respectifs apportaient des preuves obtenues de manière déloyale qui ont été déclarées irrecevables et écartées par les deux cours d’appel saisies des affaires.
Dans le premier arrêt, l’employeur avait produit des transcriptions d’enregistrements clandestins des entretiens avec le salarié, démontrant que ce dernier avait expressément refusé de fournir le suivi de son activité commerciale.
La Cour de cassation énonce que lorsque le droit à la preuve, tel que garanti par l’article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, entre en conflit avec d’autres droits et libertés, notamment le droit au respect de la vie privée, le juge doit de mettre en balance les différents droits et intérêts en présence.
Ainsi, dans un procès civil, le juge est tenu d’apprécier, lorsque cela lui est demandé, si une preuve obtenue ou produite de manière illicite ou déloyale porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits, à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Dès lors, l’arrêt est censuré pour avoir déclaré les transcriptions d’enregistrements clandestins irrecevables, en raison de leur obtention par un procédé déloyal, sans avoir exercé un contrôle de proportionnalité.
Dans le second arrêt, l’employeur avait produit des propos échangés par le salarié au cours d’une conversation privée avec une collègue tenue sur le compte Facebook personnel du salarié, mais installé sur son ordinateur professionnel.
La Haute juridiction rappelle alors la jurisprudence de la Chambre sociale en vertu de laquelle un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.
Or, les juges du droit confirment qu’en l’espèce, une conversation privée qui n’était pas destinée à être rendue publique ne peut constituer un manquement du salarié aux obligations découlant du contrat de travail, de sorte que le licenciement pour motif disciplinaire est injustifié.
Référence des arrêts : Cass. ass. plé, 22 déc. 2023, nos 20-20.648 et 21-11.330.