Taux d'incidence, volume et ventilation des locaux : comment comprendre le protocole sanitaire qui impose le port du masque ?

Taux d'incidence, volume et ventilation des locaux : comment comprendre le protocole sanitaire qui impose le port du masque ?

Publié le : 04/09/2020 04 septembre sept. 09 2020

Qu'est-ce que le taux d'incidence du Covid-19 par département ? Quelle différence entre une ventilation fonctionnelle et un système d'extraction ? Que signifient des locaux de grand volume ? Explications et points de vue d'experts.


La nouvelle version du protocole sanitaire publiée lundi 31 août par le gouvernement généralise le port du masque en entreprise à partir du 1er septembre. Il conditionne d'éventuelles dérogations - il s'agit en fait de permettre aux salariés de ne pas porter le masque de façon temporaire histoire de souffler - à certains facteurs comme :
  • le taux d'incidence du Covid-19 par département ;
  • l'existence d'une ventilation, d'une aération voire d'une extraction d'air ;
  • le volume des locaux.
Il appartient à l'entreprise de discuter avec les élus du personnel pour mettre en oeuvre ces principes qui ne font pas l'objet d'un chiffrage ni d'une catégorisation très stricte dans le protocole. La tâche n'est donc pas aisée.

Le taux d'incidence Covid-19

L'organisme Santé Publique France publie une carte mise à jour toutes les semaines du taux d'incidence du Covid-19.
 
De quoi s'agit-il ? Ce taux exprime le rapport entre le nombre de nouveaux cas de Covid-19 survenus les sept derniers jours (et mis en évidence par les tests) et le nombre d'habitants de chaque département. Pour 100 000 habitants, le taux est très variable selon les départements : 157 dans les Bouches-du-Rhône (13), 133 à Paris (75), 114 en Gironde (33), 108 dans les Alpes-Maritime (6), 84 en Seine-Saint-Denis (94), 73 dans le Rhône (69), 35,9 dans le Nord (59), 14,7 dans le Finistère (29), 7 dans le Cantal (15), etc. Plus le taux est élevé, plus le virus circule dans le département.

Quel rapport maintenant entre ce taux d'incidence et le protocole ? Pour résumer, plus le taux d'un département est faible, plus une entreprise située dans ce département pourra laisser une petite marge aux salariés pour qu'ils puissent ôter leur masque dans l'entreprise sans que cela ne s'accompagne de contraintes trop fortes. Attention, le protocole évoque un retrait de "façon intermittente" : il s'agit donc plus d'une ou de plusieurs pauses dans la journée que d'une autorisation à ne pas porter le masque durablement.

Cette petite tolérance suppose, en outre, dans les entreprises situées dans les départements "vert" avec une faible circulation du virus (taux d'incidence de moins de 10 pour 100 000 habitants) l'existence d'écrans de protection entre les postes de salariés, la mise à disposition de visières, la définition d'une politique de prévention avec un référent Covid-19 et l'existence d'une ventilation ou d'une aération. A ces exigences s'ajoutent, pour les départements "orange" (taux d'incidence entre 10 et 50 pour 100 000 habitants), la présence de locaux de grand volume et un système d'extraction d'air. Les entreprises des départements classés "rouge" (taux supérieur à 50 pour 100 000 habitants) doivent, pour déroger au port continu du masque, garantir de surcroit un espace de 4m2 par personne. 
Le tableau donné en annexe 4 du protocole est peu clair. Voir ici une présentation synthétique.

Une ventilation, une aération, un système d'extraction d'air : quelles différences ?  

Selon le niveau d'exposition du département où est située l'entreprise, l'exigence d'aération pour qu'un salarié puisse de temps en temps ôter son masque au travail varie. Mais quelle est la différence entre un système de "ventilation ou d'aération fonctionnel" (zones en vert) et un "système d'extraction d'air haute" (zones en orange et rouge) ? Vincent Jacquemond, responsable des activités santé au travail chez Secafi, fait pour nous un effort de pédagogie : "La différence entre les termes ? L'aération et la ventilation renvoient au renouvellement d'air tandis que l'extraction, qu'on rencontre plus souvent dans le domaine industriel, renvoie à l'évacuation de l'air pollué ou vicié". Il existe déjà des exigences réglementaires en la matière avec notamment la norme de 25m3 d'air neuf par heure et par poste de travail, rappelle l'expert (article R.4222-5 du code du travail). Et ce dernier d'observer que des missions d'expertises confiées à l'occasion d'aménagement d'open spaces lui ont montré que, parfois, certains projets n'avaient pas prévu un renouvellement d'air suffisant au regard du nombre de salariés. L'employeur doit faire vérifier la conformité de ses installations, mais il n'est pas toujours le propriétaire des locaux et ce dernier peut parfois freiner la communication de données qui l'obligeraient à entreprendre de coûteux travaux. "Il est arrivé que la mission d'expertise réalisée pour le CSE serve aussi à l'employeur en obligeant le propriétaire à communiquer ces données", indique Vincent Jacquemond.

La commission santé sécurité conditions de travail (CSSCT) peut instruire cette partie technique liée à la ventilation, l'aération et l'extraction, mais aussi au port du masque afin que le CSE puisse ensuite débattre d'éventuels compromis avec l'employeur : "Sur ces sujets, il y a forcément un compromis à trouver entre les éléments différents que sont la sécurité des salariés, les conditions de travail des salariés et les impacts économiques des décisions". Dans le cas extrême où les élus soupçonneraient un possible cluster dans l'entreprise lié à un défaut de ventilation, une expertise au titre du risque grave pourrait même être envisagée..

Des locaux de grand volume

Que faut-il entendre ensuite par l'exigence de locaux de grand volume qui s'applique aux entreprises situés dans les départements classés "rouge" (taux d'incidence supérieur à 50 pour 100 000 habitant) ? Le protocole évoque un espace de 4m2 soit, par exemple, "moins de 25 personnes pour un espace de 100 m2". Pour Vincent Jacquemond, il y a une contradiction évidente à parler de volume tout en s'exprimant en mètres carrés. En outre, le ratio de 4m2 par personne lui semble modeste, l'expert observant en moyenne environ 6m2 par personne dans les open space. A ses yeux, le caractère assez flou de ce passage du protocole est volontaire, comme s'il s'agissait de laisser une marge de manoeuvre aux acteurs de l'entreprise pour envisager dans le dialogue social de possibles dérogations. "Ces 4m2 sont déjà inférieurs à ce qu'on observe dans les open space très serrés, cela me paraît donc insuffisant", renchérit Alexandre Milheiras. Pour cet expert, il aurait fallu "diviser par trois la fréquentation d'un site de travail", en couplant cela au maintien d'un télétravail important, et à une exigence plus forte en matière de nettoyage des locaux.
 
Alors que de nombreuses entreprises se contentent de diffuser une note de service pour imposer des contraintes aux salariés, Vincent Jacquemond estime qu'une mesure comme le port du masque représente un changement significatif des conditions de travail et que cela mérite donc un échange en CSE. "Une mesure comme le port continu du masque imposé de façon autoritaire risque de rencontrer des résistances. L'entreprise doit réaliser un travail de pédagogie et d'accompagnement ", renchérit Elisa Oudinot, du cabinet DTR Conseil.

Un document inadapté ?

Jonathan Cadot est de son côté très critique sur un document jugé "difficilement compréhensible et applicable par les directions, les représentants du personnel et les salariés". Pour l'avocat, ce protocole n'autorise les salariés à enlever de façon très intermittente leur masque qu'au prix de contraintes que les employeurs pourraient juger trop fortes. Or ce protocole ne se suffit pas en lui-même, il doit être décliné en fonction des métiers et des locaux de l'entreprise, via le dialogue social, plaide Jonathan Cadot. Ce dernier juge au passage regrettable que le protocole n'impose pas une révision du règlement intérieur avec une consultation préalable du CSE et il déplore l'absence dans le texte d'enjeux liés au port continu du masque en entreprise, qui suscitera inévitablement des tensions entre salariés, mais aussi des risques psychosociaux.

En lieu et place de ce protocole complexe, Jonathan Cadot aurait préféré que le gouvernement recommande des solutions simples pour rendre le port du masque vivable, comme des pauses au travail et un encouragement clair et renouvelé au télétravail afin que les effectifs présents dans l'entreprise puissent cohabiter sans trop de problème.

Source ACTEUL RH https://www.actuel-rh.fr/content/taux-dincidence-volume-et-ventilation-des-locaux-comment-comprendre-le-protocole-sanitaire-0
 

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