Jours de congés imposés pendant la crise sanitaire : l'employeur n'avait pas à prouver l'existence de difficultés économiques
Publié le :
20/07/2022
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La Cour de cassation, dans un arrêt du 6 juillet 2022, précise que l'application des dispositions dérogatoires relatives aux jours de congés prévues par l'ordonnance du 25 mars 2022 n'impliquait pas pour l'employeur de prouver l'existence de difficultés économiques. En revanche, il ne pouvait y avoir recours pour les salariés vulnérables ou ayant des proches vulnérables dès lors que ces derniers pouvaient bénéficier de l'activité partielle.
Les articles 2 à 4 de l’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2022, portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée de travail et de jours de repos permettaient à l'employeur, lorsque l'intérêt de l'entreprise le justifiait, eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du Covid-19, d’imposer aux salariés de prendre des RTT, des jours de repos prévus par une convention de forfait ou de jours de repos résultant de l'utilisation des droits affectés sur le compte épargne-temps du salarié. Ces dispositions permettaient également à l'employeur de modifier unilatéralement les dates de prise de jours de repos déjà fixées dans la limite de 10 jours.
Dans cette décision du 6 juillet 2022, la Cour de cassation a eu à répondre à deux questions distinctes.
L'entreprise devait-elle faire état de difficultés économiques pour mettre en oeuvre ce dispositif ?
Dans cette affaire, les sociétés Sanofi Winthrop industrie, Sanofi-Aventis France, Sanofi-Aventis groupe, Sanofi chimie, Genzyme Polyclonals SAS, Sanofi-Aventis recherche & développement, Sanofi Pasteur, SIP et Sanofi Pasteur Europe avaient imposé la prise de jours de repos ou de jours épargnés sur le compte-épargne temps, d'une part, aux salariés qui ne pouvaient exercer leur activité en télétravail au cours du confinement et, d'autre part, aux salariés ne pouvant exercer leur activité en télétravail et maintenus à domicile, après le 4 mai 2020, pour garder un enfant de moins de 16 ans ou en raison de leur vulnérabilité au Covid-19 ou de celle d'une personne avec laquelle ils partagent leur domicile.La question portait sur l'existence de difficultés économiques justifiant le recours à ce dispositif dérogatoire. Le juge de première instance avait estimé que les articles 2 et 4 de l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 devaient être interprétés comme laissant à l’ensemble des entreprises, et non aux seules entreprises justifiant de difficultés économiques particulières en lien avec l’épidémie de Covid-19, la possibilité de recourir à ces dispositions.
La cour d'appel, en revanche, avait jugé que, faute pour ces sociétés de démontrer être confrontées à des difficultés économiques, elles ne pouvaient avoir recours au dispositif dérogatoire en matière de jours de repos prévu par l'ordonnance du 25 mars 2020.
La Cour de cassation écarte les deux interprétations faites par les juges du fond.
Elle décide "qu'en cas de litige, il appartient au juge de vérifier que l'employeur, auquel incombe la charge de la preuve, justifie que les mesures dérogatoires, qu'il a adoptées en application des articles 2 à 5 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020, ont été prises en raison de répercussions de la situation de crise sanitaire sur l'entreprise"
Elle estime que la cour d'appel n'avait ainsi pas à arguer de l'absence de preuve de difficultés économique dès lors que les sociétés mettaient en avant la "nécessité d'adapter leur organisation, face à une augmentation inattendue de l'absentéisme tenant au fait qu'une partie de leurs collaborateurs se trouvait à leur domicile sans pouvoir exercer leur activité en télétravail, d'aménager les espaces de travail et d'adapter le taux d'occupation des locaux en raison des conditions sanitaires".
L'employeur pouvait-il recourir à ce dispositif en lieu et place du régime d'activité partielle pour les salariés vulnérables ?
La Cour de cassation devait également se prononcer sur la possibilité de mettre en oeuvre ce dispositif à l'égard de salariés vulnérables à la Covid-19, ou maintenus à domicile pour garder un enfant de moins de 16 ans ou en raison de leur vulnérabilité au Covid-19 ou de celle d'une personne avec laquelle ils partagent leur domicile, alors même que ces personnes étaient éligibles à l'activité partielle.La Cour de cassation répond par la négative. Elle souligne que ce motif spécifique d'accès au régime de l'activité partielle était "fondé sur la situation personnelle de certains salariés et qui s'applique à eux, sauf à ce que l'employeur assure le maintien de la rémunération et des avantages découlant du contrat de travail, malgré l'impossibilité de travailler de ces derniers". Dès lors, soulignent les juges, "les mesures des articles 2 à 5 de l'ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020, qui permettent à l'employeur, lorsque l'intérêt de l'entreprise le justifie au regard des difficultés économiques liées à la propagation du Covid-19, d'imposer unilatéralement l'utilisation de droits à repos acquis, ne s'appliquent pas aux salariés qui se trouvent dans l'impossibilité de continuer à travailler au motif qu'ils relèveraient, en raison de leur situation personnelle, du régime d'activité partielle institué par l'article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020".
En somme, résume la Cour de cassation dans sa notice explicative, l'employeur avait le choix de recourir à l'activité partielle ou de décider de ne pas y recourir et décider ainsi "d’assurer le maintien de la rémunération et des avantages découlant du contrat de travail, malgré l’impossibilité de travailler des salariés". Mais dans ce dernier cas, "l’employeur ne pouvait alors appliquer à ces salariés, au motif qu’ils étaient dans l’impossibilité de travailler, les dispositions des articles 2 à 4 de l'ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 et leur imposer la prise de jours de repos. En effet, ces dernières mesures visent à répondre à la situation concrète de l’entreprise et ne sauraient être mobilisées en raison de la situation personnelle de certains salariés dans l’impossibilité de travailler. L’employeur ne peut pas décider de la cause de suspension du contrat de travail lorsque celle-ci est commandée par la situation personnelle du salarié", explique la Cour de cassation.
SOURCE ACTUEL RH
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