Le nouveau protocole sanitaire prévoit des dérogations au port du masque en continu

Le nouveau protocole sanitaire prévoit des dérogations au port du masque en continu

Publié le : 01/09/2020 01 septembre sept. 09 2020

A compter d'aujourd'hui, de nouvelles mesures sanitaires entrent en vigueur dans toutes les entreprises. La version définitive du texte dévoilée hier par le ministère du travail prévoit des assouplissements à la règle du port du masque, en fonction des autres mesures de prévention mises en place dans l'entreprise et du niveau de circulation du virus dans le département.

Le ministère du travail a attendu le dernier moment pour publier le nouveau protocole sanitaire que les entreprises devront appliquer à compter du 1er septembre. Car si sa mesure phare, le port du masque dans les espaces de travail partagés, était annoncée depuis le 18 août, ses modalités d'application n'étaient toujours pas connues hier après-midi. Ce n'est qu'à 21 heures que le gouvernement a finalement rendu publique la dernière version du texte. Celle-ci tient compte des recommandations du Haut conseil de la santé publique, rédigées le 28 août et portées hier à la connaissance des partenaires sociaux.

Pas de panique toutefois. Car si le nouveau protocole national a vocation à s’appliquer à partir du 1er septembre 2020, la mise en oeuvre de ses mesures peut s'échelonner. "Les entreprises mettront en œuvre progressivement les mesures complémentaires éventuellement nécessaires à celles déjà déployées dans [le cadre] d’un dialogue social interne et après avoir informé les salariés" indique le texte.

La checklist prévention

Selon le Haut conseil de la santé publique (HSCP), "le port du masque grand public est systématique au sein des entreprises dans les lieux collectifs clos". Il doit être associé à des mesures complémentaires :
  • Respect d’une distance physique d’au moins un mètre entre les personnes ;
  • Hygiène des mains ;
  • Application des gestes barrières ;
  • Nettoyage, de la ventilation, de l’aération des locaux
  • Gestion des flux de personnes.
Les masques, de type "grand public" et "de préférence réutilisables" doivent couvrir non seulement le nez et la bouche, mais également le menton, indique le HCSP. Le masque doit également répondre à des normes spécifiques (listées en annexe du protocole) et être changé lorsqu'il est souillé ou mouillé, rappelle le document.

Des adaptations en fonction du secteur

Les entreprises pourront organiser des adaptations au principe général du port du masque, afin de répondre aux spécificités de certaines activités ou secteurs professionnels. Ils doivent pour cela avoir mené une analyse des risques de transmission du Covid-19 et des dispositifs de prévention à mettre en oeuvre. Ces adaptations doivent faire l'objet d'échanges réguliers avec les salariés ou leurs représentants.

La possibilité d'assouplir la règle du port du masque dépend du niveau de circulation du virus dans le département d’implantation de l’entreprise (ou de l’établissement). Le protocole livre ainsi un tableau de niveaux limites de référence applicables dans les territoires.

Retrait intermittent du masque dans la journée

Le protocole indique que les salariés peuvent retirer temporairement leur masque à certains moments dans la journée, dès lors qu’un certain nombre de mesures sont prises, par exemple l’existence d’une extraction d’air fonctionnelle ou d’une ventilation ou aération adaptée. Ces règles peuvent être assouplies dans les zones de circulation faible ou modérée du virus, indique le document.
 
Circulation du virus Conditions pour retirer le masque de façon intermittente
Zone verte (incidence inférieure à 10/100 000 habitants)
  • existence d'une ventilation/aération fonctionnelle et bénéficiant d’une maintenance ;
  • existence d’écrans de protection entre les postes de travail ;
  • mise à disposition des salariés de visières ;
  • mise en œuvre d’une politique de prévention avec notamment la définition d’un référent Covid- 19 et une procédure de gestion rapide des cas de personnes symptomatiques.
Zones orange (incidence comprise entre 10 et 50/100 000 habitants)
  • Les mesures décrites pour la zone verte ;
  • locaux de grand volume ;
  • locaux disposant d’une extraction d’air haute.
Zone rouges (tenant compte notamment d'une incidence supérieure à 50 pour 100 000 habitants)
  • Les mesures décrites pour la zone orange ;
  • locaux bénéficiant d’une ventilation mécanique et garantissant aux personnes un espace de 4 m2 (par exemple, moins de 25 personnes pour un espace de 100 m2 ).

Si la dérogation est possible, le salarié qui est à son poste de travail dans un lieu collectif clos peut retirer son masque à certains moments de la journée et continuer son activité. Le retrait du masque sur toute une journée est interdit.
Le protocole fournit en annexe 4 un tableau permettant aux entreprises d’organiser les règles opérationnelles du port du masque dans ses lieux collectifs clos en fonction du nombre d'incidences de cas de Covid-19 dans son département.

Activités en atelier ou en extérieur

Par ailleurs, le texte indique que "certains métiers dont la nature même rend incompatible le port du masque pourront justifier de travaux particuliers afin de définir un cadre adapté". Les salariés travaillant en atelier pourront ne pas porter le masque dès lors que les conditions de ventilation / aération fonctionnelles sont conformes à la réglementation, que le nombre de personnes présentes dans la zone de travail est limité, que ces personnes respectent la plus grande distance possible entre elles, y compris dans leurs déplacements, et portent une visière.
Pour les travailleurs en extérieur, le port du masque est nécessaire en cas de regroupement ou d’incapacité de respecter la distance d’un mètre entre personnes.

Télétravail

Le télétravail est toujours encouragé, pour les travailleurs à risque ainsi que pour ceux qui partagent le domicile d'une personne à risque. "Le télétravail est une solution à privilégier, lorsque cela est possible", indique le nouveau protocole, la seconde partie de la phrase ayant été ajoutée dans cette dernière mouture du texte. "Il doit être favorisé par les employeurs, sur demande des intéressés et si besoin après échange entre le médecin traitant et le médecin du travail, dans le respect du secret médical". 

La ministre du travail ne s'est toutefois pas limitée aux travailleurs à risque pour recommander le télétravail au micro de BFMTV ce dimanche 30 août à midi. "Il reste une pratique recommandée a fortiori quand on est dans une zone où le virus circule beaucoup", a-t-elle résumé. L'objectif : éviter aux salariés de s'agglutiner dans les transports en commun et d'être nombreux dans les espaces de travail. Le protocole prévoit que "les autorités sanitaires peuvent convenir avec les partenaires sociaux d’encourager les employeurs à recourir plus fortement au télétravail".

Sécurité renforcée pour les salariés à risque

Maintenant que la liste des travailleurs vulnérables a été restreinte par un décret publié ce week-end, les travailleurs "à risque" qui ne sont plus mentionnés dans cette liste doivent retourner au travail s'ils ne peuvent pas télétravailler. Cette reprise doit avoir lieu dans des conditions de sécurité renforcées :  mise à disposition d'un masque chirurgical (toutes les quatre heures maximum) au lieu d'un masque grand public, vigilance du travailleur sur l'hygiène régulière de ses mains et aménagement du poste de travail. Cet aménagement pourra prendre par exemple la forme d'un bureau dédié, précise le protocole, ou bien d'un écran de protection. Mais attention, un tel écran ne peut être mis en place qu'en complément du masque, précise la dernière version du texte.

Au 31 août, il est mis fin au dispositif de placement en activité partielle s'agissant des salariés qui partagent leur domicile avec une personne vulnérable. Ces salariés doivent se voir appliquer les règles ci-dessus applicables aux salariés à risque.
Les personnes "vulnérables" présentant des pathologies particulièrement lourdes (listées par le décret du 29 août) ont toujours la possibilité d'être placés en activité partielle si leur médecin traitant l'estime nécessaire.

Intégration au règlement intérieur

La modification du règlement intérieur ne sera finalement pas obligatoire, contrairement à ce que prévoyait le projet de protocole diffusé le 24 août aux partenaires sociaux. L'information des représentants du personnel reste toutefois obligatoire : les mesures de protection concernant les salariés ou toute personne entrant sur le lieu de travail doivent être diffusées auprès des salariés par note de service après avoir fait l’objet d’une présentation au CSE. A titre facultatif, ces mesures peuvent être intégrées dans le règlement intérieur de l’entreprise.
 

Quid du règlement intérieur et de la consultation du CSE ?

Dans son nouveau protocole, le gouvernement indique que ces mesures de protection sont "diffusées auprès des salariés par note de service après avoir fait l'objet d'une présentation au comité social et économique" et qu'elles "peuvent être intégrées dans le règlement intérieur de l'entreprise". Cette position du gouvernement, qui rappelons-le peut être prise en considération par le juge mais qui n'a pas de réelle portée normative, est-elle conforme aux dispositions légales et à la jurisprudence ?
Selon l'article L. 1321-1 et suivants du code du travail, le règlement intérieur de l'entreprise porte sur les règles générales et permanentes relatives à la discipline et à l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur (y compris sur les moyens de défense dont disposent les salariés) mais aussi sur les mesures d'application de la règlementation en matière d'hygiène et de sécurité dans l'entreprise. On peut donc penser qu'une consigne rendant obligatoire le port du masque dans l'entreprise est destinée à intégrer ce règlement intérieur.
Il faut savoir que le règlement intérieur de l'entreprise ne peut théoriquement pas être modifié et appliqué par l'entreprise avant une consultation préalable du CSE (art. L. 1321-4 du code du travail), le document devant ensuite être communiqué à l'inspection du travail avec l'avis du comité. Mais l'entreprise peut toutefois, pour appliquer immédiatement une mesure d'urgence relative à la santé et la sécurité, prendre cette décision dans une note de service, à condition d'en communiquer simultanément l'information au secrétaire du CSE ainsi qu'à l'inspection du travail  (art. L. 1321-5). Cela n'empêche pas l'employeur de consulter ensuite le CSE. En effet, cette note de service est considérée comme une adjonction au règlement intérieur dès lors qu'elle comporte "des obligations générales et permanentes".
Dans un arrêt du 26 juin 1990, la Cour de cassation considère que le document donnant pour consigne aux caissières de nettoyer leurs caisses constitue une prescription générale et permanente d'hygiène. Il doit donc s'interprêter comme un ajout du règlement intérieur qui aurait dû être soumis pour avis au CE et au CHSCT. Un autre arrêt du 9 mai 2012 indique qu'un employeur ne pouvait pas reprocher à une salariée un manquement aux obligations du règlement intérieur dès lors que l'entreprise ne justifiait pas avoir préalablement consulté les représentants du personnel sur ce règlement intérieur (1).
On voit donc que l'entreprise elle-même a intérêt à associer les représentants du personnel à l'intégration de nouvelles consignes sanitaires dans le règlement intérieur afin de le rendre opposable aux salariés, notamment en cas de contentieux, comme le souligne la Fédération de l'habillement : "L'intérêt d'intégrer les obligations imposées au salarié dans une note de service suivant le régime juridique du règlement intérieur est triple : il permet d'y associer les membres de la délégation au CSE puisqu'ils sont consultés sur le contenu de la note de service; il permet de prévoir expessément que tout manquement aux prescriptions instituées par la note de service est passible d'une sanction disciplinaire; il permet de formaliser les mesures prises par l'employeur et les obligations qiu en découlent pour le salarié, et ainsi de renforcer la protection de l'entreprise contre le risque de mise en cause de sa responsabilité pour manquement à son obligation de sécurité". 
 
(1) Attention cependant : l'employeur n'a pas à consulter le CSE lorsqu'il modifie le règlement intérieur de l'entreprise à la demande de l'inspecteur du travail.

Laurie Mahé Desportes, encadré Bernard Domergu

Source ACTUEL RH https://www.actuel-rh.fr/content/le-nouveau-protocole-sanitaire-prevoit-des-derogations-au-port-du-masque-en-continu

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