Baux commerciaux : l’obligation de dépollution s’impose au preneur des lieux, et non au bailleur
Publié le :
08/08/2022
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Le Code du commerce prévoit que le propriétaire des locaux peut refuser le droit au renouvellement du bail commercial au preneur, lorsque la convention arrive à son terme. Le bailleur doit alors verser au locataire, sous certaines conditions, une compensation financière dite « indemnité d’éviction », laquelle est constituée d’une part d’une indemnité principale, et d’autre part d’indemnités accessoires.
Ces dernières visent notamment à réparer au mieux le préjudice causé au preneur évincé, comme les frais de déménagement et de réinstallation de son activité dans de nouveaux lieux. Or, un conflit peut naître entre les parties sur les différentes dépenses prises en charge au titre des indemnités accessoires.
Dans une récente décision, la Cour de cassation précise si les indemnités accessoires comprennent notamment les frais associés à une obligation de dépollution du fonds loué.
Concernant les faits, un bailleur (un établissement public à caractère industriel et commercial) notifie au preneur (Total Énergie), qui exploite les lieux dans le cadre d’une activité de station-service, un congé avec refus de renouvellement du bail commercial.
Le locataire assigne alors le propriétaire des lieux afin d’obtenir le remboursement, au titre des indemnités accessoires, les dépenses relatives aux diagnostics, aux études, et aux travaux de dépollution du site, ainsi que ceux afférents au retrait des réservoirs d’essence et de leurs équipements.
La Cour d’appel lui donne raison, considérant que ces frais de mise en sécurité ou de dépollution sont directement liés à l’éviction, qui impose à l’occupant un arrêt définitif de l’exploitation de l’installation, et donc de son activité.
Le bailleur forme alors un pourvoi en cassation en argumentant qu’il n’est pas tenu de prendre à sa charge ces dépenses puisque l’obligation de dépollution est supportée par le locataire.
Au visa de l’article L. 512-12-1 du Code de l’environnement, de l’article 18 de l’arrêté du 22 juin 1998 relatif aux réservoirs enterrés de liquides inflammables ou combustibles et de leurs équipements annexes, ainsi que de l’article 2.10 de l’annexe I de l’arrêté du 15 avril 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux stations-service, la Haute juridiction donne raison au demandeur.
La Cour de cassation rappelle dans un premier temps les contours de l’obligation de dépollution, laquelle impose à l’exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement, de prendre toutes les dispositions utiles pour la mise en sécurité du site, dont celles relatives à la neutralisation des réservoirs de carburant et de leurs équipements annexes. Ces mesures peuvent être, par exemple, le démantèlement et le retrait des cuves, le traitement des déchets d’hydrocarbures et des eaux sales utilisées pour le nettoyage, ou la construction d’une clôture autour du site.
La Cour de cassation considère ainsi que « l’obligation particulière de dépollution du site d’une installation classée pour la protection de l’environnement doit, à l’arrêt définitif de l’exploitation, être exécutée par le dernier exploitant, qui en est seul tenu, indépendamment de tout rapport de droit privé ».
Autrement dit, le preneur, dont le renouvellement du bail commercial est refusé par le bailleur, ne peut réclamer à ce dernier, au titre des indemnités accessoires, le remboursement des coûts afférents à cette obligation de dépollution.
La Cour casse et annule donc l’arrêt.
Références : Cass. civ. 3, 22 juin 2022, n° 20-20.844
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